Faire prendre conscience de l’urgence environnementale, rallier les entreprises : Un défi pour le WWF

Faire prendre conscience de l’urgence environnementale, rallier les entreprises : Un défi pour le WWF

Genèse du compte-rendu

La Majeure Alternative Management, spécialité de dernière année du programme Grande Ecole d’HEC Paris, organise conjointement avec Roland Vaxelaire, Directeur Qualité, Responsabilité et Risques du Groupe Carrefour, un ensemble de séminaires destinés à donner la parole sur la question du management alternatif à des acteurs jouant un rôle majeur dans le monde de l’économie.

Ces séminaires font l’objet d’un compte-rendu intégral, revu et corrigé par l’invité avant publication.

Les séminaires Roland Vaxelaire sont organisés sur le campus d’HEC Paris et ont lieu en présence des étudiants de la Majeure Alternative Management et du Master Spécialisé Management du Développement Durable et de leurs responsables.

 

About the “minutes”

The Major Alternative Management, a final year specialised track in the Grande Ecole of HEC Paris, organises jointly with Roland Vaxelaire, Director of Quality, Responsibility and Risk in Groupe Carrefour, a series of workshops where major business actors are given an opportunity to express their views on alternative management.

These workshops are recorded in full and the minutes are edited by the guest speaker concerned prior to its publication.

The Roland Vaxelaire workshops take place in HEC campus in the presence of the students and directors of the Major Alternative Management and the Specialised Master in Sustainable Development.

Charte Ethique de l’Observatoire du Management Alternatif

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Faire prendre conscience de l’urgence environnementale, rallier les entreprises : Un défi pour le WWF

Présentation de l’invité : De 1984 à 1990, Cédric du Monceau travaille comme consultant chez McKinsey & Co où il effectue de nombreuses études dans des secteurs d’activités très différents. Puis, soucieux de mettre son expérience au service de l’extraordinaire mutation qui était alors en train de se réaliser dans les pays de l’Est, il participe au lancement et au rapide développement de la BERD (Banque Européenne de Reconstruction et de Développement) d’abord à Londres comme Directeur Adjoint du Budget et de la Planification et ensuite comme Directeur. En 1997, il rejoint le WWF-France, alors en difficulté, et en devient le Directeur Général de 2000 à 2006. Il est aujourd’hui administrateur du WWF France.

Résumé : Après avoir déjà réalisé un beau parcours professionnel dans des entreprises prestigieuses, Cédric du Monceau à 40 ans décide de rejoindre l’ONG de protection de la Nature WWF –France afin de mettre son expérience professionnelle au service de cette cause. Il en devient après 3 ans le Directeur Général en 2000. L’association connaît à cette époque des difficultés économiques. C’est dans ce contexte que Cédric du Monceau doit conjuguer son passé et les convictions écologiques de l’ONG pour proposer des solutions au plus haut niveau à des problèmes environnementaux, mais aussi économiques et humains, encore peu considéré à l’époque. Sous son impulsion, l’ONG passera de 1.2 mio d’euro de budget à 11.5 mio d’euros et de 40 000 membres à 120 000 devenant ainsi la plus grande Fondation de Protection de la Nature et de l’environnement en France.

Mots-clés : Association, Protection de l’environnement, RSE

 

To make people and firms aware of the ecological urgency : a challenge for WWF

About the guest: From 1984 to 1990, Cédric du Monceau has been working as a consultant  for Mc Kinsey & Co where he had the opportunity to work in many different business sectors. But, willing to work on the great transformation in progress in the countries of Eastern Europe, he took part to the launch and the development of the EBRD (European Bank for Reconstruction and Development), first in London as Deputy Director and then Director in charge of Budget and Planning. In 1997, he joined WWF France, then having difficulty, and became General Manager from 2000 to 2006. Since then, he is one of the directors of WWF France.

 

Abstract: At the age of 40, after a model career in prestigious firms, Cédric du Monceau decided to join the environment protection NGO WWF France in order to work for this cause. He became General Manager of the NGO in 2000, whereas the association was going through a crisis. In this context, Cédric du Monceau used his past experiences and the ecological convictions of the NGO to suggest solutions to environmental, economic and human issues, still very little considered by that time. Since 2000, the budget of the NGO has increased from

1.2 to 11.5 millions of euros, and the number of members from 40 000 to 120 000, becoming the biggest environment protection association in France.

Key words: Association, Environment, CSR, Corporate social Responsability

 

EXPOSE de Cédric du Monceau

  

Introduction

En venant ici, je voudrais partager avec vous trois messages clés. D’abord un message personnel, sur mon un parcours professionnel qui pourra peut-être vous aidez dans vos choix personnels, ensuite le fait qu’il y urgence pour agir pour sauver la vie telle que nous la connaissons sur notre planète et que vous pouvez/devez en être les acteurs. Enfin il y a l’envie de partager avec vous un mode de pensée basé sur un développement mesuré en termes d’Empreinte Ecologique et d’Indice de Développement Humain (IDH) plutôt qu’uniquement en termes de (PNB) Produit National Brut comme c’est le cas actuellement.

 

Un parcours professionnel fait de ténacité et de persévérance

Je vais me présenter très rapidement : je suis économiste de formation, et très vite, j’ai eu envie de mettre mon énergie au service de projet qui me passionne.

Ma première passion a été l’Ecu. C’est l’ancêtre de l’Euro, la monnaie unique. L’Europe a été le grand déficit de la génération d’avant et cela m’a beaucoup inspiré. Je me suis dit : « si on arrive à partager l’argent -le pouvoir régalien des Etats- peut être qu’on va réussir à avoir un espace de solidarité européen qui influence le monde de manière progressiste. » À l’époque nombreux étaient ceux qui pensaient que les Etats n’abandonneraient jamais leur pouvoir régalien et pourtant aujourd’hui c’est une réalité. J’en ai retenu, en particulier, une chose; lorsqu’il y a une volonté politique réel tout est possible ! Je me souviens d’un fonctionnaire européen qui publiait chaque jour en 1979 la cotation de l’Ecu et je lui ai demandé : «N’étés vous pas désespéré de sortir cette cotation, alors  que  personne  ne  l’utilise ? » il m’a répondu : «Monsieur du Monceau, lorsqu’une institution fait quelque chose de manière systématique dans la durée, un jour, cela devient une réalité. » Même si cela a pris beaucoup plus de temps que je ne l’espérai, il avait raison la persévérance dans l’action est essentiel au succès d’un changement aussi radical.

 

Je suis issu, comme vous, d’une Ecole de Commerce. Dans la course pour l’obtention d’un MBA, je ne voulais pas faire un MBA classique, j’en ai trouvé un à Yale qui me plaisait particulièrement, car il offrait un diplôme conjoint de Gestion Publique et Privée. Pour Yale

«Si le Management est une science, alors il faut que ce soit la même pour tous les mondes seuls les moyens et les objectifs changent, mais les êtres humains sont les mêmes». Dans cette école de management, il y avait des directeurs d’Hôpitaux, de Musées, l’actuel directeur du Guggenheim, donc pas seulement le secteur marchand. En plus, 50% de femmes ce qui était très rare dans les années 80 aux Etat Unis.

 

Après cette Maîtrise en gestion il y eut la tentation de m’exercer au vrai business. McKinsey m’a fait une proposition, et je me suis dit : « pourquoi pas, pendant deux ans ? » Le confort financier et le coté passionnant du métier de consultant ont fait que j’y suis resté un peu plus longtemps que prévu. Pendant 6 ans et demi, j’ai ainsi participé à la restructuration  des grands groupes comme Usinor, une grande banque etc… Cela m’a permis d’avoir une expérience – comme j’appelle ça –« de chiropracteur d’entreprises », on redresse la colonne vertébrale (organisation) pour que le corps entier fonctionne mieux. En effet, il y a deux raisons fondamentale qui font qu’un patron a besoin d’un consultant extérieur : soit il a besoin d’une intelligence technique qu’il n’a pas en interne, par exemple pour réaliser des analyses concurrentielles ou de prospective etc. soit il a besoin d’une aide extérieur pour mettre en place un processus de changement pour réorganiser le corps social de l’entreprise afin de le rendre plus efficace.

 

Après ces années passionnantes passé chez McKinsey, j’ai eu une nouvelle passion professionnelle pour la mutation de l’Europe de l’Est. J’ai été très marqué par la chute du Mur de Berlin. Je me demandais comment est il possible que, subitement, tout puisse lâcher, sans un coup de feu, alors qu’il y avait des tant d’armements des deux côtés ! Et ça, c’est la puissance de la volonté, de l’aspiration, de chaque individu pour un monde meilleur. Je pense souvent à Václav Havel en me disant : «Il était de l’autre côté du mur, il aurait pu fuir, mais il est resté en tant qu’intellectuel, dramaturge, et il a engendré la révolution de velours ».

 

Face a l’adversité, il a bien sure l’énergie du « désespoir » qui  est symbolisé par Yann  Padach qui s’immole sur la grande place de Prague mais il y a aussi l’énergie de « l’espoir » de celui qui essaie d’agir là où il le peut et comme il le peut a son niveau, tel que Vaclav Havel et tant d’autres qui réellement font bouger le monde positivement.

 

Chaque fois que vous êtes pessimistes, rappelez vous cette capacité de l’être humain à contribuer à l’évolution positive du monde. La « révolution de velours », c’est celle que vous avez dans votre tête. Vous êtes une particule parmi un océan de particules d’êtres humains, mais vous pouvez quand même influencer le système, même si vous n’en percevez pas toujours le résultat.

 

En France au moment où le mur de Berlin s’effondre Jacques Attali avait lancé l’idée d’une institution pour les pays de l’Est, la BERD (Banque Européenne de Reconstruction et de Développement). J’avais postulé mais cela n’avait pas marché. Dans la vie, si vous avez une idée, il faut s’accrocher. Si vous avez la santé et que vous avez fait HEC, c’est que vous avez tous les autres talents qu’il faut pour réussir ! Ça prend parfois deux, trois, quatre ans, mais si vous persistez, vous y arriverez. Le plus difficile est de savoir ce qu’on veut vraiment faire. Dans mon cas j’ai postulé, mon CV a circulé, et puis un jour un chasseur de tête est venu me voir en disant « Tiens, c’est bizarre on a pas le droit de chasser chez McKinsey, mais on a votre CV ». J’ai refusé l’offre parce que ce n’était pas le poste que je voulais. Et comme je continuais à dire : « c’est ÇA que je veux faire », un jour, un autre ami m’a dit : «J’ai vu un autre chasseur de tête qui cherche exactement ce que tu veux ». Du coup, ça c’est fait et j’y ai passé trois formidable années.

 

La prise de conscience écologique

À l’aube de mes quarante ans, n’étant pas marié, je me suis dit : « Bon, c’est très bien d’être un banquier public et de gagner beaucoup d’argent, mais il faut donner plus  de sens à ma vie».

 

En lisant un journal un jour, j’ai lu un article sur le concept de l’empreinte écologique par le Directeur Général international du WWF Claude Martin. Je me suis dit : «Tiens, ça c’est très intelligent, ça répond à beaucoup de mes interrogations d’économiste qui objectait au dogme politiquement correct que toujours plus de croissance économique est nécessairement bénéfique ! ». Je trouve que le PNB est une mauvaise mesure du bien être d’une nation. Il ne mesure que ce qui n’est pas réel, c’est-à-dire l’argent. L’argent n’est qu’une convention de communication entre vous et moi, entre l’Etat et ses citoyens. D’ailleurs j’ai connu deux grandes dévaluations dans ma vie : Au Zaïre ou, en trois jours, il fallut changer de monnaie, et une autre en Russie. Il faut donc se rappeler : l’argent n’est pas aussi réel qu’on le croit et

 

certainement moins qu’un hectare de biodiversité, ça c’est quelque chose de tangible. C’est le capital terrestre, un capital de vie et l’empreinte écologique prend ça en compte. J’y reviendrai par la suite.

 

J’ai donc postulé au WWF international, mais cela n’a pas marché, ils ne m’ont pas recruté. Ce que je voudrais partager ici avec vous c’est que ce n’est pas parce que vous avez un

« Non » qu’il faille abandonner si vous pensez que votre choix est juste. Le WWF international m’avait proposé de faire partie d’une sélection pour devenir responsable du fundraising à niveau mondial. Il y avait 10 candidats et je n’avais pas été retenu. Heureusement la responsable des Ressources Humaines (il faut toujours écouter les femmes) m’a dit : «En France, on a beaucoup de problèmes, pourquoi n’allez-vous  pas  voir  en  France ? Je suis donc allé me présenter au WWF France qui était effectivement en difficulté financière. Il consommait ses réserves depuis 3 ans. Il y avait un nouveau Directeur Général qui essayait de redresser la barre. Nous avons discuté. Il m’a interviewé 3 fois et je me suis dit

: «Si tu y crois vraiment, il faut que tu te mettes à risque à son service. Il faut oser lâcher  prise. À toi de créer après le revenu que tu veux pour pouvoir vivre et te défendre économiquement. » Je lui ai donc proposé un pacte qu’il ne pouvait pas refuser : «Vous me donnez ce que vous voulez, et voilà ce que moi je veux, je vais essayer de le gagner. » Nous sommes donc partis sur ce contrat un peu spécial. Il ne pouvait pas vraiment refuser et moi je voulais absolument tenter ma chance. Voilà comment l’aventure du WWF a commencé.

 

Les ONG environnementales en France

 Juste une parenthèse : en France la générosité est grande, mais l’environnement est le parent pauvre du secteur non-marchand. Il y a beaucoup de petites associations de l’environnement, mais très peu on atteint une taille significative. Cela est en lien avec la culture française qui veut que l’environnement relève du rôle de l’Etat. L’eau, c’est l’Etat, les forêts, c’est l’Etat…Il y a des forêts privées mais le plus gros propriétaire terrien est quand même l’ONF (l’Office National des Forêts). Il y avait tout de même Greenpeace qui était déjà connue grâce à ses actions très médiatiques mais qui avait relativement peu de moyen financier. Le WWF- France avait un budget annuel d’environ 1 million d’euros, ce qui pour un pays tel que la France est très faible comparativement au autre pays européen. Aujourd’hui, c’est différent, le WWF-FR à un revenu annuel de près de 12 millions d’euros ce qui en fait la plus grande fondation de protection de la nature et de l’environnement.

 

Le but de la présentation est d’illustrer les raisons pour agir en faveur d’un autre développement dit « Durable »

Je vais appuyer mon propos de schémas contenus dans ma présentation Powerpoint. Je vais prendre une demi-heure pour vous dire des choses que vous savez probablement déjà

« l’environnement mondial va mal ! ». Mais quand on voit une photo, on est parfois plus frappés que par des idées. Il paraît que vous êtes déjà tous acquis puisque vous avez choisi de faire, je dirais, de l’alternatif… Je n’ai donc pas besoin de vous convaincre. Mon but est seulement de vous fournir des armes pour des discussions futures.

 

Problèmes environnementaux

  

La biodiversité : le capital génétique de la Terre en voie de disparition !

 Je commencerai par vous donner quelques chiffres pour que vous puissiez mesurer la gravité du problème. Dans un article du Time du 22 mai 2006, il est mis en évidence que sur 40169 espèces évaluées, 16 125 sont menacées d’extinction dont 1/3 de tous les amphibiens, 1/4 de tous les mammifères, 1/8 de tous les oiseaux.

On peut dire, rapidement, que la biodiversité est en voie de disparition. Qu’est ce que la biodiversité ?

N’utilisez pas ce mot, il est invendable pour le commun des mortels. Parlez plutôt du « capital génétique de la Terre ». Ça, ça frappe l’imagination. Ça ramène à ce que nous sommes une espèce animale parmis la chaîne du vivant. Le « capital génétique de la Terre », c’est ce qui a mis des milliards d’années à se créer, c’est tout simplement la vie sur Terre. La vie, des tout petits amphibiens jusqu’à l’être humain. C’est ce capital qui est en train de disparaître sous l’emprise frénétique de l’activité humaine. Moi, avant d’être au WWF, je n’y connaissais rien du tout ! je ne connaissais même pas le mot biodiversité, mais maintenant que j’ai compris qu’il s’agit du capital génétique de la terre, je trouve que la perte de biodiversité est un problème tout aussi grave que celui des changements climatiques qui a été plus et mieux médiatiser.

 

Les ressources maritimes : Un patrimoine de l’humanité en danger.

Je vais prendre l’exemple de la mer et des forêts pour montrer qu’il y a urgence !

La mer, c’est un énorme réservoir que nous devons gérer en patrimoine de l’humanité alors que nous sommes en train d’épuiser les stocks. Entre 1950 et 1999, le stock de poisson sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest a considérablement diminué. L’activité de pêche est devenue très industrielle et très intense.

 

En 1950, l’activité de pêche était presque nulle : les Africains prenaient ce qui était bon pour leur alimentation en protéine. Dans beaucoup de pays pauvres, le poisson est une denrée très importante.

 

Aujourd’hui, l’industrie, essentiellement européenne (mais il y a aussi d’autres pays asiatique en particulier), puise de manière totalement déraisonnable dans le stock de poisson des eaux extraterritoriales de l’Afrique de l’Ouest. Or, le poisson se reproduit au rythme que la nature lui a fixé c’est-à-dire au rythme de sa capacité à devenir fertile. Pour un requin, par exemple, c’est 15 ans. Si vous pêché les poissons trop jeune, vous les empêchez de se reproduire et réduisez ainsi la capacité du stock à se renouveler. Le WWF mettra beaucoup l’accent sur ce problème pour la Présidence française de l’Europe en juin 2008 car la France est le deuxième pays maritime au monde, si on prend en compte les côtes des DOM TOM et de la Métropole. Elle a donc un grand rôle d’exemple à jouer.

 

Les forêts : garantes menacées d’un fragile équilibre.

Les étendue agricoles de monoculture au niveau mondial augmente considérablement. Par exemple la production de soja est passée de 45 à 165 millions entre 1970 et 2000 il en va de même pour le maïs. Cette augmentation entraîne de gigantesque programme de déforestation ce qui est dramatique pour la perte de biodiversité (comme c’est le cas au Brésil ou dans l’Ile de Bornéo par exemple). Il faut aussi réaliser que les forêts participent à l’équilibre global des climats : non seulement en étant des puits de carbone car il capte le CO2 mais aussi en freinant les vents et en empêchant l’érosion de la terre. Les forêts qui participent à la régulation des températures, des vents, et de l’érosion des territoires sont en train d’êtres dévastés par notre emprise, par nos besoins en matière première et notre mode d’alimentation.

 

WWF et le “Rapport Planète Vivante” : comment mesurer la biodiversité ?

Le WWF publie chaque année un rapport qui s’appelle le « Rapport Planète Vivante » et qui prend deux grands indicateurs. L’un est un indice de vie, qui est un composite d’écosystème forestier, d’eau douce et d’écosystème marin. Sur l’eau douce, je vous donne un chiffre significatif : 50% des zones humides ont disparues en France, depuis la guerre. Alors est-ce que c’est grave ? Interrogez-vous. Qu’est ce que les zones humides ont de similaires avec vos veines? Ce sont les veines de la Terre ! Est-ce que si 50% de vos veines devenaient non poreuses, c’est-à-dire canalisées par des berges de bétons, par exemple, ou par des barrages ou un assèchement pour l’agriculture, ce serait grave ? On sent bien qu’à un moment ça devient problématique. Il est vrai que techniquement on peut faire pas mal de choses pour corriger ce manque d’échange, mais il y a un moment où s’il n’y a plus assez de porosité entre vos veines et vos tissus, il y aura un problème de santé.

 

J’aime beaucoup cette analogie entre le corps Humain et la Terre, il n’y a pas de différences : ce sont deux écosystèmes. Je vous conseille vivement un livre sur la santé, c’est celui de David Servan-Schreiber : « Anti-Cancer » ou « Guérir ».Ce sont deux livres fantastiques sur l’équilibre éco- et psyco-logique dont nous avons tous besoin qui est en lien beaucoup plus étroit qu’on le pense avec la qualité de notre environnement. C’est un médecin qui ose prend position dans un milieu hyper scientifique et cloisonné. Malheureusement, il a fallu qu’il ait lui-même un cancer pour oser aller découvrir ce qui peu parfois paraître comme des évidences et témoigner.

 

Le développement durable “ça ne veut rien dire”

Malheureusement la croissance de la consommation de l’Homme (ses besoins en termes de matière première pour assurer son mode de vie) et la croissance de la population se conjugue et amplifie le mouvement dévastateur sur notre environnement. En 1830, nous étions un milliard, aujourd’hui nous sommes plus de 6 milliards. C’est dans la combinaison de ces deux effets que se trouve la non-durabilité du développement.

 

Je vais faire une petite parenthèse. Pour moi, le développement durable, ça ne veut rien dire mais, en même temps, c’est une formule extraordinairement utile car elle affirme une réalité notre modèle de développement n’est pas durable ! La formule ne veut rien dire parce que, pour l’instant, il n’y a pas de Model de développement alternatif qui soit proposé. Donc lorsque les grands de ce monde font la promotion du Développement Durable il affirme en creux que le développement n’est pas durable. Cette affirmation induite, en l’absence d’un modèle de développement alternatif, est très anxiogène car porteuse d’aucun espoir concret. . Nous sommes toujours dans une économie de marché et l’autres modèle,  celui  de  l’économie planifiée n’a pas mieux fonctionné sur le plan de la gestion de l’environnement que du contraire, il a été plus destructeur, si on prend la Russie par exemple. Ce n’est pas donc ni l’un ni l’autre, mais une nouvelle voix à créer qui permettra une cohabitation harmonieuse entre les milliards d’hommes et l’écosystème de notre planète Terre.

 

Je trouve ça fou que les hommes politiques aient repris le terme de développement durable dans leur langage parce qu’il est terriblement anxiogène tant qu’on ne proposera pas un modèle alternatif. Je pense, de ce fait, que les prochaines années vont entraîner une anxiété croissante et donc une instabilités politique grandissante. D’ailleurs, le non-référendaire de la France et d’autres pays à la constitution Européen représentent un tournant politique significatif. Il m’a extrêmement frappé, et est probablement lié avec l’inquiétude grandissante sans proposition crédible d’un meilleur avenir ! Quel est le projet d’avenir de nos sociétés qui peut enthousiasmer les nouvelles générations ? Pour moi ce fut le projet européen, malheureusement par amalgame, il est de plus en plus associé aux facteurs déstabilisateurs d’une économie en marche vers une « mondialisation » toujours plus grande et reconnu comme « NON DURABLE ». C’est aussi pour ça que j’ai eu envie d’oser un nouveau changement d’engagement et de quitter la direction du WWF-France.

 

Le PNB : Un indicateur de performance à changer…

Le PNB mesure notre qualité de vie (notre consommation-production nationale) qu’en terme monétaire ; en argent. Or l’argent n’est pas réel. L’argent est inventé par l’homme pour lui permettre d’échanger plus facilement c’est une forme de communication physique. Le PNB ne fait que comptabiliser des actes mercantiles entre nous, qui ne sont pas mauvais en eux- mêmes, mais il ignore tous les autres actes qui souvent sont plus importants et plus riches en force vitale par exemple tous ce que nous faisons chaque jour gratuitement. Donc à chaque fois que je suis dans la relation à autrui de manière gratuite, je ne suis pas dans la création de PNB. Par contre chaque fois qu’on mercantilise une relation initialement gratuite on contribue

 

à la croissance du PNB. L’augmentation du nombre des divorces ou même des accidents sont des bonnes choses pour la croissance du PNB car ils engendrent la croissance des dépenses. Pire que ça à chaque fois qu’ une catastrophe comme le naufrage de l’Erika sont créés cela est bon pour la croissance du PNB puisque nous détruisons de la matière première qui devra être remplacé et que des dépenses seront faites pour nettoyer les dégâts causés,

 

La croissance du PNB est indiscutablement clés dans la première phase d’un développement, cela correspond généralement à la mise en place de toute l’infrastructure. Ce qui au niveau d’une société correspond au premier étage de la pyramide des besoins selon Maslow : évidemment, il en va de même pour une société comme, pour un être humain, il faut avant tout pouvoir se nourrir se loger etc.…. Mais ce n’est plus vrai une fois qu’on évolue dans le développement vers le sommet de la pyramide: dans les relations entre êtres humains, on tend vers autre chose que les seuls biens matériels.

 

Donc, quand le politique dit « croissance ! Croissance ! Point de salut sans croissance ! », c’est uniquement vrai pour les pays pauvres, mais c’est faux pour les pays dit développer comme les nôtres. Il est aujourd’hui prouvé que nos sociétés sont en décroissance qualitative voir a ce sujet les rapports d’OCDE sur l’Indice du Développement Humain (une note existe sur le site du www.wwf.fr a ce sujet).

 

…Par l’Empreinte Ecologique.

L’indicateur « empreint écologique », par contre, prend en compte quelque chose qui pour moi est réel : c’est « la finitude du monde ». C’est-à-dire le nombre d’hectares disponibles pour produire une biomasse à se partager entre les 6 milliards d’habitants. L’ensemble de notre consommation par habitant, par pays et par région du, monde va être convertie en nombre d’hectares nécessaires pour la satisfaire. C’est cette mesure qui a permis au Président de la république de dire dans son discours de Johannesburg que « si tous les habitants de la planète vivaient comme des Français il faudrait deux planètes supplémentaires », il aurait pu rajouter que si c’était comme des Américains ce serait quatre supplémentaire.

 

Certains vous diront que la mesure de l’empreinte écologique n’est pas parfaite. En effet il n’est pas facile avec certitude de déterminée, la productivité d’un hectare de mer ? Comment faire pour incorporer le nucléaire, le mesurer en termes de Co2 alors qu’il n’en émet pas ? Il y

 

a des hypothèses sous-jacentes à ces mesures sur lesquelles on peut débattre. Mais on peut débattre aussi sur les hypothèses et les conventions régissant les calculent de PNB. D’ailleurs rappelez-vous que le PNB date d’hier à l’échelle de la planète : 1923, un prix Nobel. Moi, je suis né après en 1956, donc j’ai cru, jusqu’il y a peu, que c’était quelque chose qui existait. Mais quand on réalise que cela n’existe que depuis « 1923 », et qu’on se place à l’échelle de la vie sur Terre, ce n’est même plus une égratignure. Il faut relativiser, alors quand les politiciens vous disent « que la croissance du PNB c’est la panacée », ramenez l à la réalité, avec gentillesse bien sûr.

 

Réchauffement climatique : causes et conséquences.

La part la plus importante de l’augmentation de l’empreinte écologique est due à l’augmentation des besoins et de la consommation d’énergie c’est pourquoi je voudrais élaborer un peu sur ce sujet.

 

Aujourd’hui, avec Al Gore, il n’y a plus besoin de convaincre. Si on me dit que la courbe d’augmentation du taux de CO2 dans l’air depuis les années 1950 n’a pas de rapport avec l’activité humaine, j’ai du mal à la croire vu les évidences scientifiques qu’il a mises en évidence avec brio !

 

On peut chiffrer en milliards de dollars les pertes dues aux catastrophes naturelles. Entre les années 1950 et les années 1990, ce chiffre passe de 20 à 600. Heureusement, je dois le dire comme ça, ce problème devient une réalité économique. C’est quand même dommage que les précurseurs, les Dumont, candidat à la présidence Française, n’aient pas été écoutés plutôt. Ce n’est que quand le problème est apparu sur les radars économiques que le monde a commencé à y réfléchir. Des sociétés d’assurances qui telles que Munich Re ont réalisé des constats qu’on fait que les décideurs ont commencé à réaliser que l’impact de la détérioration allait engendrer de réels problèmes économiques.

 

Au niveau de la population aussi, la prise de conscience a commencé, il y a peine 6 ou 7 ans et puis plus récemment quand des médias comme le Times ont commencé à en parler. En 2006 par exemple, une couverture du Times de 2006 titrait « Be  worried.  Be  VERY  worried ». Moi je me suis dit « bon, ça y est je peux passer à autre chose », parce que cette fois, c’est vous, les particules de la société, qui allez la faire bouger.

 

Géopolitique : “L’empreinte écologique dessine une nouvelle carte du monde”.

Depuis la moitié des années 80, on consomme plus de ressources que la Terre est  capable d’en produire, ou de régénérer. On emprunte donc aux générations futures. C’est un constat très puissant, qui laisse perplexe.

 

En comparant l’empreinte écologique des différentes régions du monde par habitant, on constate que l’Amérique du Nord, région la plus riche est celle qui a la plus forte empreinte écologique, et l’Afrique, région la plus pauvre a une empreinte 5 fois plus faible. On a, dans l’ordre décroissant : Europe de l’Ouest, Europe Centrale et de l’Est, Amérique Latine et Caraïbes, Moyen Orient et Asie Centrale et Asie Pacifique. En terme géopolitique, il est important de ramener l’empreinte écologique comme le PNB en part capita, c’est-à-dire, par individu. Si les 6 milliards d’habitants de la planète devaient cohabiter de manière pacifique, j’insiste sur le terme pacifique, qu’on pourrait traduire par « en utilisant raisonnablement les ressources de la planète », et bien on devrait tout être en dessous des deux Unités de Surface par habitant. La prise en compte de l’empreinte écologique, en termes de géopolitique, pour les gouvernements, ça dessine une nouvelle carte du monde ! On comprend alors mieux pourquoi les Etats-Unis n’ont pas voulu ratifier Kyoto : « Comment voulez-vous signé un traité quand vous êtes le plus gros pollueur par habitant ?! » Et puis, pour la Chine : « Pourquoi se cadenasser dans un processus qui va l’empêcher de grandir en termes de dépense et de consommation ? ». On voit très bien la géopolitique au vrai sens.

 

Mon intelligence est forcément pessimiste en voyant ça : on va devoir signer des accords qui vont êtres très, très difficiles : la population continue à croître, surtout dans les pays émergents, la Chine-L’inde veulent consommer comme nous, et de notre côté, nous ne nous mettons pas des contraintes fortes pour faire descendre notre consommation par habitant, soit par l’utilisation de nouvelles technologiques, soit par une plus grande sobriété, et si possible les deux.

 

À l’époque j’avais pu présenter cette analyse géopolitique de l’empreinte écologique à M. Chirac et pendant la campagne électorale aux 3 groupes (UMP, PS, UDF). Les arguments lorsque mis de cette manière en évidence sont irréfutables parce que ça résume le monde en une page. Certes il y a des hypothèses qui sont difficiles à accepter pour certains. Par

 

exemple, le WWF ne veut pas soutenir le nucléaire, car ce n’est pas la solution pour les 6 milliards d’être humains. Dès lors, une partie de l’énergie nucléaire est transformée en équivalant énergie fossile, ce qui fausse un petit peu l’image.

 

Si le monde entier avait vécu comme la population française, il aurait fallu 3 planètes entre 1961 et 2004. C’est, en termes populaires, ce qui a conduit Mr Chirac à dire – qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il a eu le culot de le dire- à Johannesburg « si tout le monde vivait comme un français, il faudrait 3 planètes ». Cela frappe l’imaginaire des gens, et les politiques qui ne sont que dans la communication, l’ont bien compris. C’est ce qui a fait la popularité de l’empreinte écologique, mais c’est aussi ce qui a amené les critiques de ceux qui ne voudraient pas en subir les conséquences.

 

“Que faut-il faire?” : propositions et actions du WWF

 Je vous ai parlé de l’urgence, vous étiez déjà convaincus, je l’espère, maintenant vous avez des arguments en plus pour vos futures discussions. Que faut-il faire ? C’est, déjà, nécessairement une sobriété, pour diminuer les Unités de Surface par personne.

 

Dans ce contexte nous sommes convaincu que les religions ont un rôle à jouer : si on veut convaincre 6 milliards d’habitants, nous devons passer par des porteurs de sens les religions en son tous comme l’Art et parfois la politique.

 

Nous avons donc fait, avec le WWF, une réunion de toutes les religions. En incluant la laïcité, on a fait tout ça dans un petit monastère orthodoxe de sœurs converties au bio, pendant deux jours, et c’était passionnant ! Parce que si vous voulez allez vers la sobriété, nécessairement, on doit passer par le politique et la conscience collective. Ça peut être par des actions culturelles aussi, moi j’aime bien travailler dans la transversalité.

 

Considérations économiques : “il ne faut pas s’attaquer aux symptômes, mais à la racine”

Mais c’est clair qu’on n’y arrivera pas en faisant du face à face, comme je suis en train de le faire devant un petit auditoire aujourd’hui. Il faut donc une nouvelle discipline de vie, et une meilleure efficacité dans l’utilisation des matières premières. Quand vous voyez que la Chine,

 

aujourd’hui, passe d’énormes contrats avec la RDC, la République Démocratique du Congo (que je connais pour y avoir un peu travailler)…C’est difficile de critiquer, puisque nous l’avons fait nous aussi, mais il y a une réalité : on va pomper encore plus les ressources premières qu’avant. Il faut adapter également les mécanismes de marché, surtout la fiscalité. En tant qu’économiste, et c’est aussi une raison qui me fait dire que pour les 10 prochaines années, je vais revenir à mes premiers amours, il est aberrant de charger l’être humain de toute la fiscalité pour la sécurité sociale, et de ne pas avoir de  matières  premières fiscalisables ! Le kérosène des avions n’est pas fiscalisé ! C’est l’exemple le plus banal, tout le monde le connaît, il n’empêche qu’aujourd’hui, on arrive toujours pas à le fiscaliser. C’est inadmissible à la vue des dangers que cela fait courir sur les générations futures.

 

Pour ceux qui sont passionnés d’économie, c’est intéressant de regarder ces problèmes sous cet angle là. Moi, j’ai mis beaucoup de temps pour identifier ce que je crois être les erreurs au niveau du château de cartes que représente notre système économique mondial : Il nous faut remettre en cause « la théorie des avantages comparatifs, » qui soutient la raison d’être de l’OMC, personne ne dit à qui profite l’échange. Quelque part, il y a un vrai problème d’optimisation, si les échanges sont unilatéraux. Deuxième doctrine qu’il nous faut remettre en cause, au niveau sociologique, c’est le Taylorisme, de nouveau la théorie de la spécialisation mais à l’échelle individuelle : il faut que chacun soit spécialiste dans  son travail.

Avec ces deux doctrines de base, c’est l’essence même de l’OMC qu’on remet en question !

C’est en s’attaquant à la racine qu’on arrivera à faire évoluer le monde pas aux symptômes.

Si j’en reviens à mon expérience personnelle, je me rends compte que je me suis toujours nourri d’expériences diversifiées. Que la diversité des expériences et des rencontres est un enrichissement réel. Or les deux doctrines de base qui sous-tendent le système économique dans lequel nous vivons nous dit que mon pays et moi nous devrions nous spécialiser pour atteindre l’optimum. Le système nie donc la richesse du besoin d’expérience diversifiée et de développement personnel de l’être humain.

 

Cet antagonisme n’a rien à voir avec la division droite-gauche. Ou même de la division Etat- Privé. L’état n’a pas été à la hauteur pendant Tchernobyl. Je me méfie autant de l’Etat que de

 

la « régulation par la main invisible du marché privé ». Mais je suis certain que l’être humain a besoin de vivre dans un système qui lui permette de faire grandir son être tout au long de sa vie et qu’il recherche une forme d’harmonie et pas la désunion orchestrée par l’hyperspécialisation de chacun.

 

Des solutions économiques aux problèmes environnementaux : “Adapter les règles d’échange en faveur du développement durable. Changer les institutions”

Je reviens à ce que je disais : adapter les règles en faveur du développement durable. En mars 2002, au moment de l’élection présidentielle, le WWF a fiancé une enquête qui demandait ceci au Français : « Est ce que vous seriez d’accord que le droit de l’environnement soit inscrit dans la constitution, au même titre que les droits de l’Homme ». J’étais parti de l’idée

«, ‘ on ne peut pas parler de développement durable, si on ne sait pas ce que c’est, donc il faut le mettre dans la constitution. Ce n’est qu’en le mettant dans la constitution qu’on mettra les gens de bonne volonté dans leurs droits ». Mais ce n’est pas parce c’est inscrit dans la Constitution qu’il y a plus de justice : ça permet à certains d’invoquer la Constitution pour dire « je suis dans mon droit », comme certains syndicats pour les droits de l’Homme. C’est  ça l’important. Sinon vous êtes tout le temps sur la défensive. Ce changement est passé un peu inaperçu, peut être parce que ça a été décidé en fin de mandature du Président de la République et en même que le vote sur la constitution européenne. Maintenant que cela est fait la France peu se positionner pour réclamer changement des statu des institutions internationales de Bretton Woods. Rien que ça ! En effet, ces institutions ont été créées au lendemain de la guerre, et Keynes, qui pour moi est un génie, disait déjà « vous vous êtes trompés, vous avez fait d’un fond (le FMI) une banque et d’une Banque (la Banque Mondiale) un Fond ». Il faut comprendre que ces Institutions Internationales ont été créées pour porter le développement au sens traditionnel du terme c’est à dire de manière NON-DURABLE. Donc si on veut les influencer de manière structurante il faut arriver à les changer par le haut, c’est- à-dire en adaptant leurs constitutions (les statu légale qui définit leurs objectifs).

 

« Que faut-il faire d’autres ? » : créer des aires naturelles protégées, c’est ce que le WWF faisait et fait toujours, à ce niveau il y a de l’amélioration, mais il faut aussi éliminer la pauvreté, améliorer l’éducation, créer des compétences là ou elles doivent êtres créés, en Afrique, en Chine.

 

Il faut « une vraie révolution des consciences » pour éviter que le monde ne devienne totalement instable. Regardez ce qui se passe au détroit de Gibraltar avec le passage des clandestins. Ce n’est pas seulement aux Etats-Unis avec le Mexique, c’est aussi chez nous !

 

L’empreinte écologique, c’est une autre manière de regarder le monde qui est devenu « Non Durable ». J’étais à Madagascar, il y a deux ans pour le WWF, c’était beau, et puis quelqu’un me dit dans un petit village « hier j’ai vu à la télévision « Qui veut gagner des Millions » et je me suis dit « Attendez, mais c’est impossible, comment voulez-vous que des gens qui regardent une telle émission de là-bas puissent accepter ? » nous projetons une image du développement qui est ingérable au niveau humain et qui renforce sa non-durabilité ! C’est ce qui fait qu’il y aura de plus en plus des mouvements de population !

 

L’entreprise : “un levier déterminant”

Une entreprise, à des clients, des salariés, des pratiques internes, dans le sens qu’elle met en place des procédures d’achat, elle a des relations de voisinages, des actionnaires, et des fournisseurs. Une entreprise, qu’elle soit publique et privée, peu donc aussi être un acteur d’éventuels changements dans une société.

 

L’entreprise peut être un levier, mais il faut qu’elle soit habitée par des valeurs partagées.

On peut regarder les entreprises par le côté négatif, qui est le côté financier et la rentabilité où se dire que comme chacun d’entre nous, elles ont besoin d’une réalité économique pour exister, mais qu’en plus elles peuvent contribuer a des effets de levier que seul on serait bien incapable de mettre en oeuvre!

 

Qui a fait bouger l’apartheid en Afrique du Sud, à part le syndicat que représentait Mandela qui était en prison à ce moment-là ? C’est le mouvement des actionnaires composé principalement de femmes aux USA lorsqu’elles ont exigé le retrait de leur fond de pension du capital d’IBM.

 

Le jour où IBM, qui était comme Microsoft aujourd’hui, un état dans l’état, a été obligé de fermer son entreprise en Afrique du Sud, ce jour-là, l’ensemble du système a basculé. Et le premier ministre a été obligé d’être réaliste et pragmatique. On peut donc faire bouger des choses par l’actionnariat.

 

Dans l’introduction d’un petit livre qui s’appelle “Planète Attitude-les gestes écologiques au quotidien” éditer au Seuil je distingue bien trois pouvoirs que chacun d’entre nous possédons : le droit de vote, l’achat et le placement de notre épargne. Il y a des banques qui s’engagent et font bouger les choses en donnant du sens par leur investissement.

 

Comment gérer une ONG environnementale en France

Pour revenir à la France, il n’y avait pas de grandes ONGs, Greenpeace avait 30 000 adhérents, nous on en avait 40 000, la LPO –Ligue de la protection des oiseaux- en avait 33 000 alors que mes collègues WWF en Hollande en avaient 900 000, la Suisse, qui est pourtant un petit pays, compte 230 000 membres du WWF. En suisse le WWF bouge dans chaque canton ! C’est toute une culture qu’il fallait révolutionner. Quand vous êtes à la charge d’une petite ONG, vous avez le choix d’être purement doctrinaire et de dire “les entreprises : tous pourris”, “point de salut sans l’état” ou alors de dire que les deux sont pourris, et alors vous vous retrouvez tous seuls ! ce qui est malheureusement le cas de beaucoup de petite association de l’environnement. Avec mon conseil d’administration, nous avons opté pour  une stratégie d’alliances sur de s objectif stratégique avec des entreprises et/ou avec l’état tout en maintenant notre indépendant en refusant de croître plus vite que ce que ne permettait la croissance du nombre de nos membres. Ceci afin de maintenir un ratio équilibré de nos recettes –pas moins de 50% provenant des particuliers et pas plus de 20% provenant soit de l’Etat ou d’Entreprises.

 

L’exemple du FSC

Vous avez vu le gigantesque problème des forêts. Comment faire pour que la déforestation s’arrête ou a tout le moins se fait en permettant à la biomasse de se renouveler ? Le WWF a créé, au lendemain du sommet mondial de la Terre à Rio une plateforme d’ONGs avec Greenpeace et avec les autres qui s’appelle le FSC, qui a trois chambre : une chambre sociale, pour les peuples premiers habitants dans les forêts, une chambre économique des industriels et une chambre ONGs pour l’environnement. C’est un système mondial avec un logo de plus en plus connu.

 

En France, il y a 12 ans, c’était complètement inconnu. Que faire ? Je suis allé voir les forestiers, mais ils nous ont, d’abord, vu comme des fantaisistes et il était impossible de discuter avec eux. Avec un ami, nous avons commencé à réfléchir en se demandant : “Qui sont les grands acheteurs-consomateur?”. Très vite Carrefour, à l’époque, est apparu comme un gros acheteur (130 000 tonnes de pâte à papier avant la fusion avec Promodès). On s’est dit

: “mais eux, ils n’ont rien à perdre, ils sont entre les industriels (les producteurs) et les    clients (les consommateurs). Tout ce qu’ils veulent, c’est bien faire leur travail, ne pas être pris en otage de problèmes environnemental qui pourrait leur être reproché. Avec cet ami qui venait du marketing, on a fait un faux “ça m’intéresse” avec une publicité à l’intérieur qui était une fausse publicité “Carrefour et le WWF s’associent pour sauver les forêts dans le monde !” Nous avons envoyé ça au Président Daniel Bernard à l’époque. Cela a mis un an ou 18 mois, et nous avons obtenu un partenariat avec Carrefour qui s’est engagé à rechercher chaque fois que possible l’acquissions de papier eco-certifier FSC. Ce faisant ainsi promoteur de cette filière bois-papier.

 

Subitement, nous avions une capacité de nuisance et de négociation avec les forestiers qui était phénoménale. Du jour au lendemain, nous étions plus que pris au sérieux, nous étions détestés ! Pour Carrefour ça a été d’ailleurs très difficile. Il fallait donc aussi beaucoup d’empathie et comprendre que Carrefour risquait être mal-aimé de tous les forestiers Français.

 

Le comble de la bêtise fut le Ministère de l’Agriculture qui est le ministère de tutelle de la filière Bois-Papier et qui au lieu de comprendre que le FSC pour des pays qui gèrent relativement bien leur filière est plus tôt un atout a décidé de créer un label concurrent le PEFC. Pourtant le FSC n’interdit pas de couper du bois, il impose une régénération de la forêt favorable à la biodiversité, le respect des peuples, etc. t un instrument utile pour un industriel qui essaie de bien faire son travail, et donc aussi un système de cartel anti-dumping, puisqu’il exclut tous ceux qui travaillent à moindre coût, en faisant des coupes rases, sans souci de la régénération des forêts. En termes économiques, le FSC peut être aussi perçu comme créant une barrière un peu plus haute à l’entrée car imposant des obligations de bonne gestion dans la durée. Pour la forêt française qui est relativement bien gérée, cela aurait été une opportunité de se placer sur le marché de cette manière, et de faire en sorte que sa forêt, sur les 10 ans, devienne FSC, comme dans l’Etat de l’Ontario (dont la forêt est plus grande que la France). Mais non ! Au lieu de cela, le Ministère, dans la tradition de « la ligne Maginot », poussé par une filière économiquement  peu rentable et fragmentée, a décidé de crée un autre label, le

 

PEFC.On est donc rentré, malgré nous dans une guerre des labels qui comme toute guerre des tranchées est une perte d’énergie. Pour nous le but a été atteint : aujourd’hui nous sommes dans une tension de performance d’un mieux écologique de la gestion forestière. Malgré les critiques, Carrefour a tenu le cap, en disant “Nous, nous n’avons pas à choisir entre les deux. Le PEFC n’existe pas au niveau mondial, mais on n’interdit pas au PEFC d’exister.” En attendant, ils nous ont fabuleusement aidé, en mettant les autres sur la défensive. Bien sûr, comme je venais du monde économique, je leur ai aussi demandé de soutenir financièrement les actions du WWF.

 

Débat avec la salle

Une étudiante : J’aimerais revenir un petit peu sur ce que vous disiez sur les institutions financières internationales. Les pays émergents et en voie de développement représentent de gros enjeux sur le plan environnemental. Le FMI et la Banque Mondiale ont pris des engagements depuis quelques années sur la position du Nord d’un point de vue environnemental dans les recommandations qu’elles font. Mais si je vous suis, il y a quand même une contradiction majeure, dans le sens où ces institutions préconisent une forme de développement qui est en totale contradiction avec ce que le développement devrait être pour devenir durable. Qu’est ce que vous pensez de l’avenir de ces institutions ? Sont-elles obsolètes ? Faut les réformer profondément ? Faut il créer une institution supplémentaire pour les chapoter ?

 

Cédric du Monceau : Sur l’analyse je suis entièrement d’accord. Ce n’est pas l’une ou l’autre, c’est plusieurs solutions. C’est toujours une dualité qui doit exister. Et donc moi je suis pour que les institutions portent mieux le message, mais en même temps, je suis pour le changement de statuts. Donc, dans mon rêve de vie, je voudrais passer mes prochaines années à faire en sorte que le statut de ces institutions soit revu et pas simplement qu’elles prennent des mesures qui, génétiquement, ne les contraignent pas. Par exemple, et en ce sens, Jacques Attali avait fait un grand pas, dans la constitution de la BIRD. Je ne dis pas qu’elle fait du bon travail mais dans la constitution, il y avait l’obligation d’un audit environnemental de tous les crédits et donc il y avait un département qui devait donner son avis pour tous les crédits.

 

C’était une obligation de contraintes. Soit on croit qu’on peut changer un système ou pas. C’est une question de choix de vie aussi. Il y a d’autres alternatives aussi. Une foi plus grande dans le développement de l’homme, de la femme en particulier.

Je crois en des modèles de développement avec un supplément d’âme que la Banque Mondiale. Mais malgré tout, ces institutions comme l’ONU, on dit que ça coûte trop cher. Mais, in fine, si vous vous épargnez une guerre, ça n’a pas de commune mesure.

 

C’est une hérésie de coter une entreprise d’armement en bourse. Une hérésie car on estime que deux tiers de la valeur d’une entreprise cotée en bourse, c’est l’attente de plus de croissance. Donc implicitement, on dit qu’une entreprise d’armement doit croître toujours plus, ce qu’elle ne peut réaliser qu’en vendant toujours plus d’armes contribuant ainsi à un monde toujours plus dangereux. C’est aberrant.

Est-ce que j’ai répondu suffisamment à votre question ? Mais je n’ai pas la solution. Mon rêve, c’est d’arriver à faire changer les statuts, comme je crois que j’ai pu influencé les changements dans la Constitution française. Il faut maintenant que la France prenne ça en main car elle a un grand rôle à jouer. Ce n’est pas encore bien parti, mais on verra après.

 

Un étudiant : On parle beaucoup de biodiversité en ce moment et on trouve que c’est très difficile de trouver un angle d’attaque économique sur ce sujet. Est ce que WWW travaille, comme il le fait sur d’autres sujets, à évaluer la valeur économique de la biodiversité ?

 

CdM : Non, pas sur la valeur économique de la biodiversité mais on le fait par la publication des trois indicateurs dont je vous ai parlé. Je pense que ce n’est pas le rôle du WWF de se substituer à l’économique. Toute organisation ne doit pas perdre son âme originelle. C’est ça qui est difficile : jusqu’où devons-nous aller par rapport au capital que nous avons, qui est une compétence ancrée dans un organisme de Protection de la Nature ? Je pense qu’aujourd’hui on va très loin, et il faut faire attention de ne pas aller trop loin et de ne pas perdre notre crédibilité. Il y a une marge a ne pas dépassé.

Je vous conseille une infolettre qui sort tous les trimestres sur l’empreinte écologique. Ils en sont au deuxième numéro, elle fait un bilan de tous les indicateurs composites qui existent, dont un que je trouve intéressant car il est publié par la Banque Mondiale. Comme il y a cette crédibilité, c’est quelque chose qu’on peut utiliser et qui prend l’épargne en compte. Il est sur le site Internet du WWF, vous devriez aller le voir.

 

Un étudiant : Vous avez parlé d’un mode de consommation international mais j’ai cru comprendre que vous n’étiez pas contre l’idée d’une certaine forme de décroissance ?

 

CdM : Je suis tout à fait d’accord qu’en terme consommation , on doit aller vers une décroissance pour permettre une cohabitation entre les 6 milliards d’habitants de notre planète. Ca ne veut pas dire qu’on ne va pas vers un mieux être ! La décroissance est invendable, en termes conceptuels. Dans le subconscient. Dès que vous parlez de  décroissance à un auditoire, les cerveaux se déconnectent, et c’est terminé, vous n’avez plus d’auditoire ! C’est invendable par rapport au dogme qui dit qu’il faut toujours plus pour être mieux.

 

Un étudiant : Est-ce que vous considérez qu’il est envisageable de demander à des pays qui ont un stade consommation peu développé – et qui n’ont pas un grand impact sur l’environnement, mais qui en subissent quand même les conséquences- de ne pas accéder à notre stade de consommation ?.

 

CdM : Vous faites un amalgame. Dans une société développée, vous parlez de décroissance. Je vous dis : la vie devient de plus en plus chère il y a de plus en plus de laissés-pour-compte, tous les indicateurs sociaux le montrent. Et vous prenez des gens qui eux sont dans la pyramide de Maslow dont je parlais tout à l’heure, dans la question de savoir comment ils vont se nourrir quotidiennement.

 

C’est une question différente. Il ne faut pas les empêcher eux de monter, c’est à nous de nous adapter : il y a 3 raisons. La première, c’est que c’est nous qui polluons le plus. On a donc cette responsabilité. La seconde, c’est que nous projetons un model dont on admet nous- même qu’il n’est pas durable !! On projette ce monde par toutes organisations, la Banque Mondiale, etc. On le projette partout ! On est donc totalement en contradiction. Et la troisième raison, c’est que c’est nous qui avons les moyens, et pas eux. C’est donc une dialectique qui pour moi n’existe pas !

 

Il faut dissocier les choses, et c’est ce qui est difficile : notre cerveau est linéaire alors que le développement n’est pas linéaire. Tous les écosystèmes ne sont pas des systèmes linéaires. Donc il faut commencer à avoir une pensée qui accepte que les choses ne soient pas linéaires. Je ne vois pas d’opposition dans ce que vous me dites. Oui, je suis pour que les pays du Tiers

 

Monde, du Quart Monde, ou en voie de développement puissent accéder à un bien-être de plus.

 

Et en même temps, je comprends la décroissance comme étant le moyen de rendre moins mercantile ce qui ne l’est pas. Je m’explique : un couple qui divorce, ça crée du PNB. Si je vais chez un ami lui demander conseil pour savoir quelle est ma voie, c’est gratuit, c’est peut- être un peu moins professionnel mais ce n’est pas du PNB. Si je vais chez un psy, il le déclare et c’est du PNB. Toutes les relations gratuites, si elles sont mercantilisées, peuvent devenir du PNB. Donc oui, moi je suis pour que plus de relations qui sont mercantilisées deviennent gratuites.

 

Une étudiante : Aux gens qui défendent la décroissance dans les pays développés, on répond que ça va générer du chômage…

 

CdM: …Mais on crée du chômage tous les jours. Une entreprise, c’est des bénéfices et des coûts. Et notre système financier est basé uniquement sur le capital humain. A chaque fois  que je mets une machine à la place d’un homme, je gagne trois fois : je peux amortir la machine (alors que je ne peux pas amortir l’homme), j’ai une plus petite complexité de gestion (l’être humain est versatile, alors que la machine est obéissante) et je gagne en coût de structure. C’est tout de même aberrant comme système !

 

Dans la concurrence, inévitablement, une entreprise va essayer d’optimiser : plus de services pour un moindre coût. C’est à l’Etat de faire en sorte que cette concurrence soit la plus saine possible c’est à dire : le plus de services possibles et à des coûts acceptables socialement. C’est bien à l’Etat de s’en occuper. L’entreprise n’est qu’un mécanisme d’optimisation sous contrainte. Pour moi, c’est au niveau de la fiscalité qu’on peut avoir un instrument massif pour apporter des changements au niveau du comportement, de la mentalité, des dynamiques de concurrences. Mais si je ne peux plus débaucher, je ne peux plus engager.

 

Au Danemark, vous avez un système social : vous avez le droit de débaucher et la personne est garantie à l’extérieur. Mais du coup, on assiste à la création d’une dynamique d’insécurité qui agit plus sur le service que sur le coût. J’ai deux personnes éventuellement à la caisse chez Carrefour plutôt qu’une seule. Et l’entreprise concurrente de Carrefour, Aldi, fait du self scanning. Vous devez tout faire vous-même, et on est uniquement dans une dynamique de

 

réduction de coûts. Si je crée l’insécurité sur les services, c’est à dire si je permets de débaucher, mais que je crée, au niveau de l’état, la sécurité pour les employés pour ne pas avoir un drame familial avec ça, je vais créer une dynamique de concurrence sur les services dans mon système. C’est ça l’enjeu, et il y a très peu de politiciens qui comprennent ça, je n’ai pas encore réussi à le faire comprendre ! Je sais que je suis provocateur, mais je suis là pour ça !

 

Une étudiante : Les exemples que vous avez donnés me posent un problème au niveau fiscalité. Par exemple, vous allez voir votre ami, il vous rend un service sans rien déclarer, c’est très bien mais ça ne permet à personne d’aller se faire soigner. Alors que vous allez chez votre psychologue, c’est monétisé, c’est peut être pas bien, mais ça permet de faire rentrer de l’argent qui revient au système social. Si on démonétise, ça crée un problème fiscal.

 

CdM : Je ne suis pour qu’on ne monétise plus, mais pour qu’on ne monétise pas plus ! Il y a des réponses à ça. La fiscalité peut reposer sur la propriété mais aussi sur beaucoup d’autres facteurs comme la consommation d’énergie, etc. Il y a plusieurs activités qui peuvent être génératrices de fiscalité. La fiscalité n’est jamais neutre. Si on fiscalise de manière aussi importante le capital humain, c’est qu’on a choisi de dire aux sociétés, qui ne sont que des machines d’optimisation, d’optimiser contre l’humain. Enfin, pas contre, parce qu’une entreprise ne peut fonctionner que si le capital humain est bien géré.

La propriété sera une des clés du futur. La population va augmenter, il va bien falloir qu’on partage. Je ne parle pas de la France, ici ça ne pose pas de problème. Mais ça peut bouger, les populations.

 

Une étudiante : J’ai une question sur la déforestation. Vous avez parlé du label FSC. Quelles sont les actions qui sont menées, ou qui devraient être menées, pour combattre au mieux la déforestation ?

 

CdM : D’abord, vous acceptez qu’il y ait un modèle de production qui peut être optimal. Le FSC dit à un producteur comment produire. Nous, au WWF, on a une stratégie à double face. D’un côté, il était urgent de dire qu’au moins 10% de toutes les grandes réserves doivent être protégées, sous forme de capital auquel on ne peut pas toucher. Un peu comme mettre en

 

banque : c’est le capital génétique de la Terre qu’on veut préserver. Moi, je trouve que 10%, c’est très peu. Surtout que c’est une base qui diminue chaque année…

L’autre côté, c’est la consommation. Si, par exemple, la Chine se met à produire des catalogues comme Carrefour en produit, il est certain qu’il n’y aura bientôt plus de bois. Et c’est uniquement du marketing ! Mais quelque part, dans une optique de concurrence, je peux comprendre que Carrefour ne puisse pas abandonner si l’autre en face n’abandonne pas.

 

Quelque part, il faut que nous acceptions que dans les ressources matérielles, si le coût devenait astronomique, on réfléchirait peut-être plus. A titre personnel, je suis pour une fiscalité très forte la dessus, et les grands groupes de distribution s’adapteront, parce qu’ils feront le calcul économique et verront que c’est rentable. Et d’ailleurs, ils ne nous ont pas inclus dans la discussion de la taxe parce que nous voulions qu’elle soit la plus élevée possible pour empêcher justement la publicité gratuite.

 

Une étudiante : Et justement, à propos de ce que vous dites sur les préservations de forêts, est ce que ça ce discute au niveau mondial ?

 

CdM : Oui, oui. Il ne faut pas totalement désespérer. J’ai dépeint un tableau assez négatif, mais il y a beaucoup d’intelligence derrière, et ça s’accélère. Il y a plusieurs organismes, et tous vont sur le même sens, pour faire sortir des études. Par exemple, il y en a une qui ressort 100 régions dans le monde en disant : “si on doit sauver quelque chose, à la manière de l’Arche de Noé, c’est cela qu’on sauvera”. Parce que ce sont des richesses en biodiversité, parce que ce sont des écosystèmes fragiles…

 

Il faut savoir qu’il existe un institut mondial créé par la France, il y a un peu plus de 40 ans à Fontainebleau – mais aujourd’hui abandonné par la France- qui s’appelle l’Union Internationale Pour la Conservation de la Nature. Comme par hasard, cet institut se trouve juste en face du WWF dans un petit village qui s’appelle Gland (ça ne s’invente pas!). Ce n’est pas tout à fait par hasard : C’est un parapublic, petit comme l’ONS, qui regroupe uniquement des scientifiques du muséum, et eux regroupent toutes les ONG mondiales dans la protection de la nature, dont le WWF. C’est tout à fait mondial, présidé par un Pakistanais. Et eux, évidemment, depuis des années ils prêchaient dans un désert, parce que en termes économiques, ça ne vaut rien. Donc si vous ne valez rien en économie, vous n’existez pas de nos jours.

 

Un étudiant : Est ce que vous pourriez nous expliquer votre position sur le Nucléaire ?

  

CdM : Ah ! Ouf ! (rires)…15 secondes. Avant d’être un problème de déchets, le nucléaire est avant tout un problème philosophique. Le problème de mes amis de Greenpeace, c’est qu’ils l’ont toujours pris du côté de la problématique des déchets, mais rarement de face en contestant le choix philosophique ou Politique qui sous tant une telle solution.

 

Est ce que le nucléaire est la solution optimum à la problématique énergétique du monde? Ça c’est la question. Que ce le soit pour la France, ça peut être contesté et contestable, mais in fine, la France est un pays qui, bonant-malant, n’a pas encore eu de problème nucléaire. Moi je suis là pour me battre pour des choses acceptables pas uniquement pour quelque privilégié Français ou Belge mais pour toute la Planète. Malheureusement le nucléaire a trois grave problèmes pour devenir « La solution mondiale »(1) D’abord la ressource est géographiquement située en dehors de nos frontières – Adieu le mythe de l’indépendance nationale grâce au nucléaire en termes d’énergie ! (2) La ressource pour le nucléaire – l’uranium- est très rare et pas équitablement distribué dans le monde. (3) Enfin c’est un système central tellement dangereux et difficile à gérer qu’on en refus, l’accès à la plupart des pays dit non démocratique alors que le système de gestion du nucléaire est par essence central et dépendant de la sûreté de l’état donc mieux a même d’être contrôlé par un état policier qu’une démocratie !

 

À titre personnel, de toutes mes expériences industrielles par exemple dans la sidérurgie, je n’ai jamais vu une entreprise qui gère bien dans la durée les amortissements sur le long-terme. Hors dans le nucléaire, on parlait au début de 25-30 ans maintenant de 40-50ans pour une centrale, quant aux déchets, c’est bien au-delà de 100 ans pour la majorité. Donc je me demande : Est ce que nos pays dit démocratique la France (et quelques autres pays comme la Belgique) vont être capable de gérer dans la très longue durée ? A titre personnel, je regarde le passé, et je remarque qu’il y a plusieurs ruptures de la démocratie a cette échelle de temps ! Durant ces cent dernières années, il y a eu, au moins, trois guerres importantes en Europe. Je me dis : pourquoi ni en aurait-il pas dans le futur ? il ne faut pas aller loin pour constater que la guerre est toujours présente proche de chez nous. Et qu’est ce qu’on fait en temps de guerre pour gérer le nucléaire ? Qu’est ce qu’on fait quand il n’y a plus la démocratie pour assurer la sécurité nationale ? Parce que ça a un coût de sécurité nationale gigantesque le nucléaire.

 

Avec ces termes en perspective, vous comprenez que le nucléaire n’est pas qu’une simple question technologique. On ne peut pas seulement dire : “On va aller mettre les déchets dans une faille sismique, ou sous des murs de béton à très grande profondeur, etc.”.

 

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Certes, là on est aussi dans un débat technique. Et ça m’a amené des débats très techniques  sur l’enfouissement : à quelle profondeur, etc. Et je me suis souvenu qu’on avait enfoui certains dépôts de munition de la première guerre mondiale et qu’on ne les avait jamais retrouvé…Il y a donc aussi des inquiétudes sur le niveau technique, du temps qu’on a pas la solution.

 

En conclusion, à titre personnel, je suis contre le nucléaire, ou en tout cas très prudent. Je dis très prudent, parce que malgré tout, ce n’est pas un choix facile, de se dire qu’on doit s’en séparer quand on l’a.

 

Alors, il y a aussi une autre raison, qui est très importante, plus perverse, mais plus vraie pour moi : pour avoir travaillé dans les grands groupes, j’ai remarqué que tout système central a une tendance à phagocyter ses externes. Et le nucléaire est un système central. Il faut que la centrale soit à charge maximale. C’est pour cela qu’il est très difficile de gérer les pics. D’ailleurs, interrogez vous pourquoi il n’y a pas d’éolien marin en France, alors que c’est le deuxième pays marin au monde ! C’est fantastique ! C’est un président de Shell qui a attiré mon attention la dessus, et je me suis renseigné, et j’ai compris : EDF n’a pas la technologie pour faire l’éolien marin, il faut des plateformes, et en même temps ils ont fait de l’éolien terrestre, qui est 50 fois moins puissant que le marin, et qui nous ennuie tous parce qu’ils ont installé les éoliennes dans les réserves naturelles pour nous diviser. Vous pouvez penser que c’est un raisonnement machiavélique, mais c’est comme ça qu’on pense à ce niveau là. Et j’ai compris que pour EDF, l’éolien, c’est génial : ça permet d’écrêter les pics du nucléaire. Vous savez comment ? Quand il fonctionne bien sûr, mais surtout quand il ne fonctionne pas. Parce que la seule manière de stocker l’énergie, c’est grâce à un barrage, on fait remonter de l’eau.

 

C’est donc toute une pensée qui phagocyte le système français et qui fait dire : on ne va pas développer les alternatives. Et donc quand l’ancien Président de la République m’a demandé de participer au lancement de Kyoto (j’ai eu de la chance, seules deux associations avaient été retenues), je me suis demandé : quelle est l’image qui me vient et qui pourrait le convaincre

 

que le nucléaire n’est pas « La solution unique » ? Et j’ai dit à M. le Président : “Méfiez vous du syndrome de la ligne Maginot !A l’époque toute l’intélligeancia de la France pensait et oeuvrait aussi pour « La solution », elle était aussi de type « centrale », alors qu’il fut vite démontrer qu’on avait tort. Rappelez vous cette phrase de Thucydide « La force d’une citée n’est pas dans l’épaisseur de ses remparts, mais dans la volonté de ses habitants à  se  défendre ». En d’autres termes, il y a plus de force lorsque l’on mobilise la volonté individuelle de tous que lorsqu’on croit qu’on peut dormir tranquille grâce a un système central en l’occurrence le Nucléaire !

 

J’espère vous avoir convaincu avec mes arguments.

 

Un étudiant : On entend parfois que les ONG sont moins performantes d’un point de vue budget/résultat que les entreprises, notamment parce qu’elles n’ont pas la pression de la rentabilité financière. Qu’est ce que vous en pensez ?

 

CdM : J’adore votre question, car elle me permet de vous raconter ma vie ! Dans McKinsey, on était des redresseurs de torts pour grands groupes. Des bons qui savent faire des gros exercices comme la sidérurgie etc.… ! Et ils avaient un modèle que je vous conseille de prendre comme analyse d’une entreprise. Ça s’appelle les sept “s” et ils disent que toute entreprise est composée de sept “s”. C’est la stratégie, la structure, les staffs. Les patrons n’utilisent que ces 3 là. Ce sont les “s” sur lesquels je peux agir. Je change ma stratégie, j’appelle McKinsey et je fais un nouveau papier, par exemple, je change ceux qui sont autour de moi. Généralement ils occupent de nouvelles fonctions parce qu’on ne peut pas tous les mettre à la porte. C’est ce qu’on appelle les “s” durs. Ça c’est pour vous donner un mode de penser.

 

Et puis il y a tous les autres “s” qu’on oublie : les systèmes. C’est la chose la plus ennuyeuse et qui dure le plus longtemps, comme la fiscalité. Parce qu’une fois que vous avez mis en place un système de gestion du personnel, avec des bonus, etc., vous avez une mécanique dans l’entreprise qui va continuer quel que soit le patron. Je sais que les systèmes que j’ai eu la chance de mettre en place dans ma vie à la BIRD, qu’ils soient bons ou mauvais, à mon avis, ils existent encore. Personne n’a osé y toucher, tellement c’est complexe à mettre en place. J’ai, je crois, vu UN patron qui avait ça en tête. Parce que c’est laborieux, ça parle par la mécanique, les ressources humaines etc. Mais il y a aussi le style de management, qui vous

 

recrutez, le skils : toute entreprise à un code de style, la communication, etc. Par exemple, Lafargue et Carrefour, ça n’a rien à voir ! C’est très rare de trouver, à l’inverse du premier groupe, des ingénieurs de l’Ecole des Mines dans la grande distribution. En général, ils ont été maîtres acheteurs, etc.

 

Et le dernier, c’est le plus important : la share value, les valeurs partagées. Et quand j’étais au WWF, mon cerveau McKinsey me disait : “il n’y a rien qui peut fonctionner ici ! Où est la stratégie ?” Il y avait tout de même un style, de gens qui viennent avec une énergie mais pas des grandes écoles. Mais il n’y avait pas de système, je n’ai jamais eu de Centrale Internationale qui est venue me demander un rapport, une stratégie… j’étais sidéré ! Et pourtant, ça fonctionne, c’est dynamique, au niveau mondial, on participe à presque toutes les négociations internationales, comment ça se fait ? Share value. Valeurs partagées. Tous les gens qui viennent là, ils viennent avec leurs tripes. Alors ils ne sont peut être pas les meilleurs professionnels du monde…Mon rôle à moi était de mettre un tout petit peu de système, un petit peu de stratégie. Et puis recruter une ou deux personnes, par exemple quelqu’un qui connaisse les marques, parce que je n’y connaissais rien, et WWF c’est aussi une marque. Si je veux bien la gérer, il faut quelqu’un qui ai une des meilleure expérience professionnelle en la matière. Alors WWF, c’est pour toute la France, c’est le grand peuple, j’aimerais bien que toute la France soit membre ! Donc il me faut quelqu’un pour markéter cette marque. Je me suis dit : “mais Disney !!” (rires) tous mes collègues, heureusement que je ne leur ai jamais dit

! J’avais ça en tête, mais je n’ai jamais lancé l’appel d’offre, sinon j’étais assassiné au sein de l’ONG, ça c’était très clair ! Et puis, en marchant, je disais à tout le monde ce que je cherchais et quelqu’un m’a dit qu’il y avait une femme au chôme qui sortait de chez Disney. Et je me suis dit : “Femme…Disney…C’est bon ça!” (rires) et donc elle est toujours au WWF, elle gère les partenariat. Parce que dans les ONG, si vous cassez les share value, vous vous faites éjecter. Le directeur général d’avant, il s’est fait éjecter. J’ai connu au WWF une ancienne qui était là depuis toujours, de ces gens que vous devez attentivement écouter parce qu’ils connaissent tout. Elle m’a dit “Le directeur général, chez nous ça dure deux ans un quart!” quand j’ai passé ce cap, je suis allé la voir pour fêter ça (rires).

 

Donc, pour répondre à la question, non, ce n’est pas moins efficace, si à un moment il y a un certain professionnalisme qui se met en route. Parce que sinon, c’est épuisant, si on a que les valeurs partagées, on s’engueule tout le temps, et on ne fait rien. C’est des discussions de type “moi j’ai plus de valeurs que toi”. Et c’est la tout le rôle du type qui est dessus, éviter ce type

 

de discussions. Donc c’est peut être mon côté émigré, comme je n’étais pas français, qui me permettait d’éviter les débats purement théoriciens et me faisait dire “allez, les gars, avançons, avançons!”. De toute façon, je n’ai jamais eu peur de l’échec. Je préfère quelqu’un qui se trompe, que quelqu’un qui ne prenne pas de décision. Je leur ai toujours dis, et je leur ai prouvé dès le départ : j’ai pris un risque, et j’ai raté une opération. Je leur ai dit : “voilà, elle est ratée, vous aviez raison, mais je suis content de l’avoir fait.” Mao disait : “le poisson pourri par la tête”, et j’aime bien rappelez ça aux actionnaires de sociétés : “la tête c’est vous” (rires).

 

Un étudiant : J’ai une double question, plus pour l’administrateur que vous êtes, concernant le rôle du WWF. La première serait : Vous avez beaucoup parlé de changer les statuts, vous avez parlé de la nécessité du pouvoir politique. Alors, dans quelle mesure pensez vous que ça fait partie de la mission du WWF, d’influer sur les pouvoir politiques au plus haut niveau, en créant par exemple, on en parle, une agence internationale pour l’environnement ? La seconde question c’est : Ne pensez-vous pas que le WWF devait s’impliquer davantage dans des thématiques humaines, sociales, dans la mesure où elles sont de plus en plus interconnectées avec l’environnement ? Ne faudrait-il pas, dans une optique de développement durable, recentrer la stratégie sur ces thématiques ?

 

CdM : Première question : Dans notre stratégie, même si j’ai surtout parlé des valeurs partagées, l’International avait une stratégie que j’ai essayée de concrétiser en France.

Il y a plusieurs choses : tout d’abord : toujours démontrer que quelque chose est possible. C’est le côté protection de l’élément naturel. Deuxièmement, c’est agir sur les forces du marché. Donc pour ça, il faut créer des outils, comme le FSC, créer des choses que les gens peuvent s’approprier pour la fiscalité. C’est pour ça qu’on rentre dans les débats du G8, c’est par ce biais la. Pas par la manipulation du calcul de la biodiversité (rires). Et trois : Rules of the game. J’aime bien les Anglais comme ils schématisent tout. Les règles du jeu. Donc chaque chargé de mission, chez nous, devait faire une stratégie sur les 3 niveaux. Donc en terme de lobby, ça voulait dire, au niveau politique, participer et agir pour que nous soyons représentés.

J’ai moins compris la seconde partie de votre question.

 

Le même étudiant: C’était en terme de présentation générale de la WWF. Est ce que vous travailleriez dans les thématiques des droits humains, de l’éthique, etc. ?

 

CdM : Avec le WWF, on a choisi d’être sur les 3 domaines : protection de la nature, force du marché, lobby politique. Qui dit lobby politique dit nécessairement, à un moment, impact social.

 

A titre personnel, je trouvais que ça allait trop loin. Parce qu’à un moment, c’est aussi au niveau de la gestion de l’ONG que se pose la question : “je bloque de l’argent, pourquoi?” je ne donne de pas de l’argent à un parti politique. Je donne de l’argent parce que je veux que des actions concrètes soient réalisées. Certains veulent donner pour ceci, d’autre pour ça, d’autres pour l’environnement…On a de plus en plus de donateurs sur l’environnement, mais, au départ, tous les mailings qu’on a fait sur l’environnement, on s’est cassés la figure. Et donc sortir de l’immobilisme du débat, c’est très difficile. Et donc certains, sous la pression du président, on voulu créer une plateforme, qui a eu un très fort impact au niveau du Grenelle de l’Environnement, qui s’appelle L’Alliance. Et l’Alliance a intégré les syndicats. Pour la première fois, les syndicats ont accepté de rentrer dans une certaine dynamique de concertation. Alors, ça faisait déjà 2/3 ans que ça commençait à vibrer. J’ai été invité à des discussions, entre autre, à nouveau, grâce à Carrefour qui avait fait des partenariats avec FLIH. Et alors là, ça a embêté très fortement les syndicats. Parce que ces derniers se sentaient, à tort ou à raison, comme pris dans une tenaille. Une entreprise mondiale fait des partenariats, locaux ou mondiaux, de type “social et environnement”, et quel est le rôle des syndicats ? Il y a donc eu des concertations avec les syndicats pendant lesquels ils soulignaient que supposément, on les affaiblissait.

 

Où est la marge ? Moi je crois que c’est la légitimité des membres. On reçoit des dons, en grande partie. Le WWF a 3 moteurs économiques : les dons, certaines entreprises (ça représente moins de 20% de l’ensemble) et puis quelques grands contrats pub. C’est ce qui a fait le succès de WWF : toutes les autres ONGs, celles qui foisonnent sur l’environnement, dépendent uniquement de l’état, en France.

 

Je n’ai peut être pas complètement répondu ?

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Le même étudiant : Ce que je voulais dire, c’est qu’au moment de la création du WWF, elle traitait de problèmes d’environnement, ça restait uniquement du côté de la nature. Mais comme là, on voit que ça évolue vers les problèmes humains, est ce qu’à un moment, il ne faut pas s’occuper de l’humain ?

 

CdM : C’est là où les deux questions se rejoignent. On est une fédération de gens, on a pas d’actionnaires, il n’y a personne qui dirige d’en haut. Il y a bien un centre mondial, qui est à Gland, qui a créé des réseaux nationaux, mais ne dépend pas directement d’eux mais d’un Conseil d’Administration National. Chaque bureau National est très autonome. Chaque année, on se rencontre et l’on a d’énormes débats. Il y a ceux qui sont plutôt pour dire “Le WWF, ne devrait s’occuper QUE de la protection de la nature”, et puis il y en a d’autres qui disent “Il faut que le WWF prenne position sur tout ce qui concerne l’environnement après-tout l’homme est aussi un animal !”. Notre ONG avance en fonction de sa capacité à intégrer ces problèmes sans perdre son âme, ces racines qui sont la protection de la nature. La Nature n’ayant pas le droit de vote le WWF essayer de lui en donner une. Mais le WWF ne peu pas s’occuper de tous les problèmes humains il y a heureusement d’autres organisations dont c’est la mission essentielle.

 

Roland Vaxelaire : Je voudrais encore poser une dernière question. J’ai donné aux étudiants un article très schématisé d’un consultant qui disait que pour un patron de demain, il était très important de pouvoir avoir vécu dans les sphères privées, publiques, et de la société civile. Toi qui a vécu dans ces trois sphères en tant que patron, quels sont les grands enseignements que tu peux tirer de cette expériences ? Quels sont les atouts d’avoir eu ces trois approches ?

 

CdM : Le plus triste, c’est que malheureusement, la gestion de ressources humaines est mieux faite dans l’entreprise que partout ailleurs. Je vais être provocateur ! Mais dans l’ONG, c’est continuellement des crises, on a du mal à gérer dans la durée, et dans le politique, n’en parlons pas ! C’est un désastre, la politique a beaucoup perdu. Évidemment je vis un traumatisme, en Belgique, vous lirez les journaux. Mais dit vous bien que la Belgique vit souvent sociologiquement dix ans avant ce que la France vivra. La Belgique est plus petite, ça bouge plus vite. Aujourd’hui, il faut être fou pour vouloir faire de la politique. Ça n’a aucun sens.

 

Maintenant, en termes d’exaltation, il est clair que l’aventure au WWF est la plus belle réalisation et satisfaction personnelle, parce qu’elle a « du sens ». C’est aussi une réalité économique, qui m’a permis de faire croître une ONG de 1 à 12 millions de trésoreries, sans dettes, en termes d’entrepreneur, je me dis « ah oui, nous avons réussi ». Mais en plus politiquement, nous avons contribué à quelques belles réussites. Donc, pour moi l’exaltation fut la plus grande dans une ONG.

 

Le pire, c’est la politique. C’est souvent une insulte à l’intelligence en termes de gestion des ressource humaine. Ce n’est pas un message très noble que j’envoie, mais c’est ce que j’ai vécu. Pourtant la politique est indispensable car il s’agit de notre avenir et de ce qui le conditionnera.

 

Souvent, j’aime bien taquiner mes amis entrepreneurs. L’un d’entre eux a créé une entreprise fantastique qui connaît un grand succès, il est parti de presque rien et maintenant il a 3 usines, donc il est tout content. Je lui dis : « du calme mon ami et pense à un type comme l’Abbé Pierre. Rien que sur des valeurs partagées chrétiennes il a créé plus de 80 ‘usinescentre d’EMAUS dans le monde. Ça, c’est un entrepreneur qui a réussi! ». Il y a dans le social des entrepreneurs phénoménaux et pas seulement dans le religieux ! Je pense que le moteur est

« oser la confiance, en soi bien sûre mais aussi dans les autres » pour cela il faut de la stabilité ce qui n’existe pas en politique, peu dans les sociétés cotées en bourse et beaucoup plus dans des mouvements de sociaux qui œuvre pour l’éternité !

 

L’obsession d’entreprendre est une très noble obsession. C’est celle qui fait qu’on ose prendre un risque, elle n’est donc pas propre aux entrepreneurs économiques.

 

Conclusion

C’est là-dessus que je voudrais terminer mon message : s’il y avait une seule chose à changer dans notre monde dit développer, ce serait l’éducation. Personnellement, j’ai été déformé par mon éducation. Celle-ci nous entraîne souvent, pour ceux qui ont la chance de réussir et de finir à des postes à responsabilité, vers toujours plus de compétition alors que le futur –si on veut une cohabitation pacifique avec 6 milliards d’habitants et avoirs un environnement de qualité – nécessitera surtout plus de « coopération ». Or, toute notre éducation nous stimule

 

cérébrale ment vers toujours plus d’envie d’en vouloir toujours plus. La compétition est un moteur, mais il faut tout de même raison garder et savoir tout simplement apprécier le faite d’être au présent.

 

Le regard que l’homme porte sur la nature est trop ego centré. L’homme serait au centre alors que ce qui est au centre c’est « La Vie (la nature)’ . L’homme n’est qu’un des maillons de la chaîne du vivant. Rappelez vous, lorsque je vous ai parlé de perte de Biodiversité, je vous ai dit que nous perdions une partie du patrimoine génétique de la Terre ! Il nous faut mieux célébrer cette vie, et l’Homme en fait partie, il n’est pas un élément hors de la vie.

 

Je vous suggère un livre d’Albert Jaquart, A toi qui n’est pas encore né, dans lequel il écrit à son arrière petit-fils. C’est un très beau livre parce qu’il raconte comment il a fait Polytechnique, et puis comment il a été embrigadé dans une pensée, comment il s’en est sorti, et il raconte à son petit-fils pourquoi le futur est enthousiasmant malgré les nouveaux défis et en particulier celui de la destruction de notre environnement.

Moi j’adore les crises, parce qu’en temps de crise, comme j’estime être un entrepreneur, je me dis , “on va pouvoir faire des choses”. Quand tout va bien, c’est un peu ennuyeux (rires).  Dans ce livre, il parle très bien du pouvoir que l’Homme à acquis à travers la maîtrise des sciences. Nous avons aujourd’hui au bout de nos doigts, les deux puissances divines des peuples anciens : le dieu du soleil, chez les Egyptiens, avec, aujourd’hui, le nucléaire mais aussi bientôt le thermonucléaire. On touche à ce que nos ancêtres ont cru être Dieu. Et puis le dieu de la vie, avec la génétique : nous pouvons créer des êtres qui ne vivraient pas sur Terre sans nous. On peut croiser des choses qui ne se croisent pas dans la nature. Parce que la nature, quand elle se croisait, elle rejetait ce qui ne pouvait pas se reproduire.

 

Aujourd’hui, la fragilité de la vie, c’est que tous les possibles sont au bout de nos doigts. C’est pour ça qu’il faut avoir l’humilité. Dans une des diapos, il y a un petit texte qui est assez joli : “Les valeurs ne se vendent pas, ne se donnent pas, mais se partagent. Les valeurs, à l’inverse des valeurs marchandes, sont exclues du calcul coût/bénéfice et de la justification des projets.”

 

Quand je vois une entreprise, je me demande toujours “où sont ses valeurs partagées?” Une entreprise qui perd ses valeurs partagées, je suis certain qu’elle va perdre. C’est pour ça que

 

quand les entreprises font des mégas fusions, c’est très difficile de fusionner des valeurs partagées. L’exemple de la fusion de Carrefour et Promodès fut révélateur. Ce fut la rencontre de deux cultures, et aujourd’hui qu’est ce qu’il en reste? Elles ne peuvent plus que gérer une seule marque : Carrefour. Alors que l’esprit de départs c’était : on fusionne pour que plusieurs marques puissent survivre et se renforcer. C’est bien l’exemple que tout système central n’arrive pas à gérer la diversité culturelle, cette biodiversité propre à l’homme.

 

Toute à l’heure, j’ai pris l’exemple de Wikipedia. Quand je suis pessimiste, je pense à Wikipedia, et je me dis : c’est extraordinaire ! C’est un système conçu totalement dans la gratuité, les gens se sont autocontrôlés pour créer la plus grande encyclopédie du monde de la connaissance. La coopération mondiale est donc possible et plus performante.

 

Évidemment, il faut gagner sa vie, donc je comprends que vous vous disiez “c’est bien tout ce qu’il nous raconte, mais qu’est ce que je fais demain pour gagner ma vie”. Essayer déjà de ne pas la perdre ! Chaque instant de votre vie est un moment à savourer. Bonne chance, on compte sur vous.