Une société belge à capitaux publics investit aux Etats-Unis. Le pour et le contre.
Le 17 février dernier, Sonaca, entreprise carolorégienne spécialisée dans l’aérostructure, annonçait avoir lancé une OPA (offre publique d’achat) amicale sur LMI Aerospace, une société américaine basée à St. Charles, le long du Missouri. Le lendemain, le journal « The Missourian » titrait « LMI Aerospace accepte le rachat par Sonaca Group ».
Quelques jours plus tard, des révélations faisaient état de dissensions au sein du conseil d’administration de la société belge. Selon le journal « L’Echo », Jean-Sébastien Belle, Cédric du Monceau et Antoine Tanzilli ont voté contre cette acquisition, soit trois sur les onze administrateurs, plus deux observateurs, que compte le conseil.
Téléphonées, ces fuites ont un aspect choquant au regard des règles d’un conseil d’administration : « On ne trahit pas le secret d’un conseil d’administration, assène une source proche du dossier, « cela ne fait que traduire la sourde guerre que se livrent des tas de gens autour des mandats. LMI est une société cotée en Bourse. Heureusement qu’ils sont loin et ne parlent pas français ! »
Le silence de la dissidence
Contactés, les trois administrateurs concernés se sont abrités derrière le secret des réunions du conseil, deux d’entre eux faisant comprendre qu’ils n’étaient pas à l’origine de la fuite. Tout comme l’administrateur-délégué Bernard Delvaux, Pierre Sonveaux, président du conseil, a mandat pour communiquer : « Les dissensions ne se sont pas marquées stratégiquement parlant, mais au niveau des risques ou des retombées insuffisantes pour l’entreprise, ou des risques liés aux Etats-Unis. Une majorité des administrateurs était convaincue que les risques étaient sous contrôle et maîtrisés. »
Risques il y a bien sûr, ne serait-ce que par le montant élevé de la transaction, 432 millions de dollars, opération nécessitant une augmentation de capital de 100 millions d’euros pour la Sonaca. Depuis la revente de la petite usine de Wichita, en 2014, à Figeac Aéro (qui vient de décrocher un énorme contrat avec Spirit AeroSystems), Sonaca était à la recherche d’une société sœur aux Etats-Unis.
En trois ans, une dizaine ont été sondées, et le choix s’est finalement porté sur LMI Aerospace. Avec un portefeuille de produits similaire mais plus étendu, LMI a pour clients Spirit, fournisseur privilégié de Boeing, lui-même client direct, ainsi que Mitsubishi, Honda Jet, Lockheed Martin. L’entreprise compte 21 sites de production, dont une usine en Grande-Bretagne, au Mexique et au Sri Lanka. Pour Sonaca, ce n’est donc pas une diversification produit, mais client.
Un trop gros morceau pour l’entreprise belge ? Du côté de Pierre Sonveaux, l’on dit avoir pris toutes les précautions comme « s’assurer que les clients de la société restent fidèles et que le management actuel reste en place pour redresser la société en difficultés ». En effet, LMI a une dette de 240 millions de dollars, pour un chiffre d’affaires de 350 millions, « endettement dû à des acquisitions de sociétés d’ingénierie ces dernières années ». Or, il n’y a plus de grands programmes aéronautiques justifiant de telles capacités de recherche et développement. Par contre, des programmes comme le B-737 MAX vont assurer une montée en cadence de la production chez LMI.
Très cher à la base, le taux de financement de la dette de l’entreprise américaine, actuellement de 7 %, sera ramené à 4 % une fois l’opération de rachat bouclée. Sans compter les synergies d’achats et d’optimisation des fabrications.
Reste qu’avec cette acquisition et les usines au Canada et au Brésil, deux tiers du chiffre d’affaires de Sonaca viendront du continent américain, de quoi faire craindre que le centre de gravité de l’entreprise ne se déplace vers les Etats-Unis. Or, Sonaca est à capitaux publics, Région wallonne et Etat belge. Certains auraient préféré que l’on investisse plutôt dans la productivité à Gosselies.
Bernard Delvaux a toujours dit que, de par sa taille relativement petite – 395 millions d’euros de chiffre d’affaires attendu en 2016 -, Sonaca devait soit être absorbée par plus grand qu’elle, soit absorber. L’opération d’acquisition de LMI par Sonaca devrait être terminée en juin. Selon la coutume, les administrateurs réticents doivent s’incliner devant la majorité et faire preuve de solidarité ou démissionner. « Et une petite mise au point déontologique s’impose au prochain CA« , précise Pierre Sonveaux.